Antananarivo à Sainte Marie en moto

Le 12 Mai 2018, Madagascar

 

 

Mes amis et moi discutions d’un voyage sur l’île Ste Marie, une île paradisiaque située à l’est de Madagascar, à 35 kilomètres de la côte. Certains préfèrent s’y rendre en avion, d’autre en voiture, moi j’ai plutôt envie de faire le voyage en moto. J’expose l’idée, mais personne n’approuve, surtout avec une moto chinoise ! La route est difficile, sinueuse, glissante quand il pleut, très emprunté par les camions et taxis brousse… et ma MAK 125-7 ne fera jamais les 1000km A/R et 1300m de dénivelé. Peut être, mais c’est l’aventure !
Je décide de tenter le voyage et de rejoindre Ste Marie avec ma MAK 125-7 rouge. Première étapes, la préparation. Elle sera succincte puisque je ne pourrais pas transporter beaucoup d’affaire. La moto n’est pas très grosse, je mettrais deux sacs à dos sur le siège passager à l’arrière. J’emporterai quelques vêtements, 2 chambres à airs et 2 bombes anti-crevaison + divers outils pour parer à d’éventuelles pannes, deux cirés pour moi et mes sacs, une longue chaîne, quelques cadenas, une carte de la route et un petit bidon de 5 L d’essence.

Je décide de partir environ 3 jours avant l’arrivé de mes amis à Ste Marie. Je ne sais pas encore où je me m’arrêterais pour passer la nuit. Bien qu’ayant préparé et peaufiné la moto, je ne suis pas à l’abri d’une panne technique, ce que je crains le plus. 

 

Premières sensations

Mardi 12 août, Jour J, le départ est prévu vers 10h. Ma première étape sera de rejoindre Moramanga situé à 115km de Tana (j’aurais même pu y aller en vélo! ;) ). Je démarre, test les freins, les pneus, et c’est parti! Le temps de m’arrêter à une station rajouter quelques bars à mes pneus et je commence par sortir de la ville très tranquillement, ça serait dommage de chuter maintenant. Ha oui, j’oubliais, je n’avais jamais conduit de moto auparavant, d’où une petite appréhension quant à la manipulation de l’engin! La sortie de la ville est un peu comme bouché, mais ça avance. Après quelques kilomètres sur la RN2, je commence à entamer les longues courbes à travers les rizières… Le plaisir de la conduite se fait rapidement ressentir. Plus besoin de freiner, accélérer, s’arrêter, doubler, comme l’impose la conduite urbaine. Sans rouler très vite je ressens déjà cette sensation de « glisse » et de vitesse, tout en découvrant à travers ma visière rayée un magnifique paysage de rizière, de petite maison étroite en terre rouge, d’enfants tirant une boite de conserve sur roulette, croisant des taxis brousse usés transportant des gens fatigués par le voyage venant de Moramanga, Brickaville ou même de Toamasina.
Je sais que le voyage sera aussi très fatiguant mais la moto a ses avantages que le taxi brousse n’a pas! Pause pipi quand cela s’impose, fruits et beignets à volonté, arrêt paysage à ma guise… inconvénient, peut être plus dangereux (quoi que), la pluie et le froid, mais les températures se réchaufferont en atteignant la côte.
Vers 14h je mange dans le resto du parc de papillon. Brochette de zébus, pomme de terre et café pour repartir en forme. Il fait froid (~8-10°) et il pleut (donc ressenti 5° !). Chaque virage se passe avec beaucoup de précaution. J’ai hâte d’atteindre la côte pour des températures et un temps plus agréable.

 

Moramanga

Les quelques camions que je croise m’offrent souvent de belles petites frayeurs, car un taxi brousse qui double un camion en plein virage, forcement ça fait drôle. 115 km de route impeccable et j’atteins Moramanga, il est 15h.

Je veille à 2 choses pour ce voyage, la panne mécanique et la panne d’essence. N’ayant pas de jauge d’essence je dois faire mon petit calcul et surtout faire le plein dès que j’en ai l’occasion. Les stations essences à Mada sont généralement bien reparties sur les routes puisque les taxis brousse en sont de gros consommateur. Je repère une station rapidement dans la ville et me dirige vers elle. Un pompiste me fait signe de la main qu’il n’y a pas d’essence, « le camion citerne n’est pas passé aujourd’hui et passera peut être demain ». Demain signifie 8h comme 18h voir dans 2 jours! Je lui demande s’il y a d’autre station dans la ville mais, malheureusement non. On va devoir faire sans. Il me reste normalement 5 litres dans le réservoir et j’ai toujours mon bidon de réserve au cas ou. Ça va le faire!

Ayant une connaissance à Moramanga je décide d’aller la voir. Elle tient un hôtel, ça pourrait être l’occasion d’y passer le nuit. Depuis l’ouverture d’un chantier d’extraction de nickel et cobalt dans la région (projet ambatovy), les camions et autres engins de travaux ne cessent d’emprunter les étroites ruelles du centre ville rendant l’environnement poussiéreux, bruyant et donc insupportable. Je me faufile entre les camions pour arriver devant l’hôtel. La tante en question n’est pas encore là. Le temps de resserrer quelques boulons de la moto et la tante arrive. Après lui avoir expliqué mon petit voyage, elle me propose gracieusement une chambre dans son hôtel. C’est une chambre qui est en rénovation, elle n’est pas terminée mais l’essentiel y est, un lit et une douche. Elle me proposera même de rentrer ma moto dans le hall de l’hôtel pour éviter de ne retrouver que le cadenas demain matin… je la remercie chaleureusement. Je vais manger quelques nems et une soupe dans un restaurant chinois du coin, je rentre et m’endors aussitôt, la première journée de route m’a épuisé.

Km effectués : 115km Prochaine étape à dans 243km Arrivée dans: 393 km

 

Descente vers la côte

Mercredi 13 août, le lendemain matin, réveille vers 6h. Je sors la moto, fixe mon paquetage sur la moto, et m’en vais. Je n’aurais pas l’occasion de dire au revoir à la tante, encore dans les bras de Morphée à cette heure là…
L’air est frais, le temps nuageux et le flux de camion commence à s’intensifier en centre ville, mais je m’échappe déjà. Le paysage verdoyant s’intensifie au fur et à mesure de ma descente vers la côte. Je décide de faire une petite pause dans le coin d’un virage tout en restant attentif qu’un camion en croisant un autre, ne vienne pas m’accrocher un bras. De l’autre coté de la route, j’aperçois une maison adossée à une toute petite colline surplombant un vallée et la route. Ayant entendu ma moto s’arrêter devant chez eux, je vois les enfants regarder curieusement à travers les quelques arbres plantés devant. Je leur fais signe, il rigole et vont se cacher. Ensuite, un homme, vieux, grand, apparaît. Me regarde les bras croisés, et d’un geste lent, mais salut de la main. Je fais de même. Voila les présentations sont faites ! Je contemple encore un peu le paysage au rythme des quelques véhicules qui passent, et je repars.

Je passe la bifurcation pour Andasibe (parc naturel que j’ai visité quelques mois auparavant), quelques ponts plus ou moins bien entretenu, je double plusieurs troupeaux de zébus.
Ayant maintenant passé les hautes terres, le relief se fait moins escarpé. Les virages se font rare et les longues lignes droites m’incitent à pousser la moto. Même si elle atteint difficilement les 100km/h (avec cette formidable impression d’être à 200!), je ne suis pas à l’abri de rencontrer un nid de poule qui me ferait faire un magnifique vol plané. Je prends un rythme de croisière et les kilomètres de mon compteur défilent…

 

un moufgasy et c’est reparti!

Je passe la bifurcation qui permet de descendre la côte par le sud, je longe maintenant la côte en prenant plein nord. La route goudronnée est excellente, et fraîche ! De nombreux travaux bourgeonnent sur la route, coupant dès fois la circulation alternativement. Une fois le goudron sec, la route est un vrai plaisir à emprunter. Malheureusement elle incite aussi les taxis brousse à aller plus vite…

Après plusieurs kilomètres une pause s’impose! Les petites échoppes du village de Mahatera me semblent accueillante. J’y bois un café léger et servi dans une grande tasse. L’échoppe, entièrement constitué de planches noircies par le feu de bois est située au bord de la route. Les bancs branlants installés devant l’échoppe frôlent la route empruntée par les camions.

L’odeur des moufgasy (beignets ronds de farine de riz et sucre) tout chaud sortant du moule me donne envi d’en acheter 3-4 pour accompagner mon café. Ces moufgasy sont cuits sur une plaque en fer rempli d’alvéole accueillant les ‘boules’ de pâte fraîche. Placé ensuite sur le feu de bois, quelques minutes plus tard je déguste de succulent moufgasy ! Simple et efficace, ça constituera mon repas du midi.

Je remercie chaleureusement celui qui tient l’échoppe. La première borne kilométrique en sortie de la ville indique 104km pour atteindre Toamasina, il est 12h10. Toujours pas d’odeur de sel marin, ni d’embruns de mer, car d’après la carte je suis à 10-15km de la côte. Vohitsara, Tsaratampona, autant de petits villages ou il doit faire bon vivre (‘tsara’ signifie ‘bien’, ‘bon’ en malgache), et me voici aux portes de Toamasina. L’entrée se fait par de longue double voie ou se côtoient bus, taxi, zébus, charrette, scooter, vélo, piétons… il faut savoir être habile du guidon et surtout rester concentrer. Un arrêt à la station essence s’impose, je n’aurais pas le temps demain matin. La consul honoraire m’offrira gracieusement le gîte et le couvert pour cette nuit.

Km effectués: 358 km Arrivée dans : 150 km

Jeudi 14 août 2008, départ en forme, et aux aurores. Le moment le plus agréable de la journée, il fait frais, j’ai droit au lever de soleil, les couleurs sont magnifiques. Aujourd’hui j’atteinds le port de Soanierana Ivongo qui m’amènera à Sainte Marie en bateau situé à 35km de la côte. Les 170km de route longent au plus près la côte rendant le paysage plus « sablonneux » mais toujours aussi verdoyant. Le paysage change, les cocotiers foisonnent !
Me voici sur la route, cheveux au vent (sous mon casque). Je me fais doubler par deux malgaches sur une moto identique à la mienne, je m’amuse à lui suivre mais impossible de tenir le rythme sans prendre le risque de côtoyer le décors. La route est parsemée de nid de poule prêt à accueillir ma roue, mais qui apparemment ne fait pas peur au pilote! Je les laisse s’éloigner… J’arrive a un passage de rivière dont on m’avait parlé. Le pont a été fait et refait pour être remplacé temporairement par un pont flottant le temps d’en construire un autre. On n’est jamais vraiment sûr de passer en fait ! Devant moi un taxi brousse passe sans grande difficulté, tant mieux. Je fais de même, et avec un peu de dextérité j’y arrive à mon tour. Derrière moi un énorme camion qui enfonce le pont flottant au raz de l’eau, les roues côtoient l’eau qui s’engouffre un peu sur le pont mais.. ça passe.

 

Première crevaison

Autour du pont la vie suit sont cours, une femme fait sa vaisselle, une pirogue passe, le soleil se lève… cette petite pause m’aura fait du bien. Plus que quelques kilomètres vers la dernière ville avant le port. Je sens soudain comme un flottement de l’arrière, puis un bruit bizarre typique de pneu à plat. Effectivement, je constate que j’ai crevé la roue arrière. Par chance je suis à 5 kilomètres de Fénaorivo, un petit village ou je trouverai surement un p’ti garage. Je vide une bombe anti-crevaison dans la chambre à air, ça devrait tenir le temps d’atteindre un garage. Arrivé en centre ville je tombe à l’entrée sur un garagiste qui changera en 10min la chambre à air que je lui ai donné. La roue arrière est toujours un peu compliqué à changer, le frein et la chaîne n’aidant en rien à la manipulation. Je règle et remercie le garagiste et ses assistants. misaotra betsaka (merci beaucoup)!

Plus qu’une petite soixantaine de kilomètre. Je passe de nombreux ponts plus ou moins bien entretenus, et arrive enfin au port de Soanierana Ivongo. Pas vraiment d’indication pour me rendre au débarcadère, je demande donc d’abord en malgache, et pour être sûr je demande à quelqu’un d’autre en français. La direction qui m’est indiquée est assez vague mais je pense trouver.

Je descends une sorte de longue piste boueuse qu’un minibus transportant 5-6 touristes asiatiques hésite à emprunter. Pour ma ‘bête de course’ ce n’est pas un problème, deux trois fois les pieds dans la boue pour l’aider à avancer et j’arrive au bord de l’eau. Comme prévu un bac attend. Une voiture et une camionnette attendent le dernier véhicule sur le bac. Le mini bus des asiatiques je suppose !

Pourquoi tu prends le bac?

Après bien 1 à 2 h d’attente le minibus fera demi tour, et laissera place à un énorme camion brousse qui n’hésitera pas à passer le bourbier et s’installer sur le bac. Hop je sens que ça s’agite, le bac est sur le point de partir, je monte donc dessus. Ma moto bien calée sur une rambarde, j’entends les moteurs démarrer quand un jeune me demande :

– « ou vas-tu ? »
– « A sainte marie » lui dis-je.
– « ha… et pourquoi tu prends ce bac ? »
Un court instant de réflexion me suffira à comprendre que je ne suis peut être pas sur le bon bac!
– « hmm… ce bac ne va pas à un sainte marie..? »
– « pas du tout! » me répond il en rigolant

A ce moment là les moteurs du bac vrombissent, et la passerelle est entrain d’être lentement remonté. Panique générale !! je saute sur le mec qui remonte la passerelle pour lui dire que je descend !! j’empoigne ma moto et la descend de justesse! Oufff…. Je remonte sur la moto sous les regards et sourires des gens qui doivent me prendre pour un touriste plutôt paumé.

Je remonte tant bien que mal le bourbier que le camion brousse a rendu réellement impraticable et on m’indique effectivement une autre direction. Tout en bas d’un cul de sac, juste après la gendarmerie, quelques taxis brousse attendent là. Formant l’impasse du chemin, une série de case en bois plus ou moins bien entretenue attendent le client, certaines servent de commerce, d’autres indiquent clairement qu’elles s’occupent du transport fluvial vers Ste Marie. Me voila donc un peu plus rassuré !
Seule la compagnie « La rozina » peut transporter ma moto. Les autres compagnies utilisent des bateaux de plaisance sur lequel il est impossible de la placer. Derrière une sorte de vieux guichet en bois, un homme me confirme qu’il n’y a aucun problème pour moi et ma moto pour un départ cette aprem.
– « On attend juste que le bateau revienne, il ne devrait pas tarder»
C’est plutôt une bonne nouvelle surtout que le mec avait l’air sûr de lui.

12h, le soleil tape, j’attends à l’ombre en discutant avec un couple de zanatany (personne née à Madagascar d’origine étrangère).
14h, après avoir mangé un repas bien copieux, je décide d’aller me préoccuper de mes billets, car en discutant avec le couple je me rend compte qu’ils ont déjà les leurs, pas moi. Changement de réponse, cette fois ci ce n’est pas possible, ni pour moi ni pour ma moto. Il n’y a plus de place ! J’insiste en lui indiquant qu’il y a deux heures c’était d’accord (oui, j’aurais dû acheter le billet a ce moment là…) mais rien à faire, il me monte le cahier mentionnant tous les noms des inscrits au passage tant convoité. Insistant à nouveau, il part finalement se renseigner.
15h, une personne que je n’avais jamais vu auparavant vient me voir me disant que je pourrais partir, mais sans la moto. Je ne sais même pas si je peux laisser la moto ici et surtout la retrouver à mon retour! Je m’inscris tout de même. Le zanatany me donne quelques filons sur l’endroit ou laisser ma moto. Deux possibilités, la gendarmerie, sûr mais cher, ou le parking du restaurant, un peu moins sûr mais beaucoup moins cher.

Partira? partira pas ?

16h, finalement une 3eme personne vient pour me signaler que ce n’est plus possible, ni pour moi si pour la moto… ça devient fatiguant. Un bruit de moteur pétaradant se fait entendre, la Rozina revient. Le bateau porte la mention « Rozina IV ». Que sont devenus les 3 précédents, je ne préfère pas le savoir.
Ça me parait très juste pour un départ dans la demi-heure sachant qu’il faut charger tout le monde et que les départs de nuit sont interdits.(il fait nuit à 18h15-18h30). Tout le monde décharge les cargaisons du précédent voyage et une longue discussion s’installe entre plusieurs personnes (dont le commandant du bateau je suppose). Dans la confusion, je ne sais pas qui est qui, ni même de quoi ils parlent. Mais je suppose que c’est concernant le départ puisque un membre de la gendarmerie arrive, discute 30 secondes avec le groupe et autorise enfin le départ de la navette. J’attends à coté des passagers près à sauter sur le premier désistement. A vrai dire j’ai peu de chance d’y arriver, une quarantaine de personne attendent (et quand on voit la taille du bateau ça va être serré!) Je recroise le groupe de chinois que j’avais croisé lors de ma (notre) fausse route vers le bac. Un p’ti sourire pour leur dire que je les avait reconnu, ils me reconnaissent également. Un des chinois voyant l’état du bateau, le nombre de passagers à embarquer et surtout, le cercueil posé sur le toit du bateau accompagné de sa couronne de fleurs, décident de ne plus monter. Il est catégorique. S’ils décident vraiment de ne pas embarquer, ça fait de la place pour moi !
Je reste près d’eux, demandant toutes les 5min ce qu’ils décident de faire, en les incitant à prendre la décision de ne pas y aller et de leur racheter 2-3 places (1 pour moi, et 2 pour ma moto). Ils sont d’accord mais ils sont 5, il faut que je trouve 2 personnes supplémentaires. Très peu de temps et je trouve deux personnes voulant également traverser et, comme moi, s’y sont pris trop tard. 15 bonnes minutes et 3 paires de bras seront nécessaires pour la mettre en place. Attachée, accrochée, elle ne bouge plus.
17h30, tout le monde continue d’embarquer peu à peu, chacun tente de prendre une place confortable, mais y arrive. A ce moment là le gendarme décide de refaire son apparition pour nous annoncer que le bateau ne partira pas aujourd’hui. pouvait le dire plus tôt?! Déception générale, tout le monde redescend. Personne ne râle, c’est peut être plus sûr comme ça finalement. Le cercueil aussi est déchargé. Il restera sur le ponton toute la nuit entouré des membres de la famille pour la veillée mortuaire. Avec la brume du fleuve, le cercueil entouré de bougie, la famille accroupi autour, l’ambiance était surprenante. De petits bungalows derrière le restaurant accueillent les passagers voulant passer la nuit au port.

Les bungalows sont tout à fait corrects, l’essentiel y est, et surtout propre. Un lit, une moustiquaire, une salle de bain, une table, sans oublier la boite de préservatif posée sur la table au cas où je rentrerais accompagné. Je décide d’attendre sur la terrasse du resto en me prenant un verre. Je rencontre un autre vazaha (étranger blanc) du groupe de passager. Il est italien et habite avec sa femme et son bébé sur Sainte Marie. Baroudeur, forte personnalité, beaucoup de chose à raconter et heureusement intéressant. Je l’écoute me raconter ses histoires et les heures passent. Nous mangeons en échangeant nos impressions sur le manque cruel de sécurité de ce bateau. Au fil de nos discussions sur l’île de Sainte marie, la moto, le bateau, je me rend compte qu’il serait peut être plus prudent de la laisser ici, de toute manière je serais limité sur l’île avec une moto de type routière puisque toutes les routes sont plutôt en mauvaises états. Pour pas trop cher on peut louer des motos cross sur place. Je décide donc sur les conseils de mon acolyte de la descendre du bateau. Je me suis forcément senti un peu mal sachant que 2h avant on avait galéré à la mettre sur le bateau. « azafady azafady! » je leur dit (désolé désolé!), et les remercies chaleureusement une fois la moto sur le ponton. Personne ne montre de signe d’agacement ou d’énervement lors du déchargement… les malgaches sont exemplaires dans ce domaine, jamais énervés, toujours un sourire aux lèvres.

Vendredi 15 août 2008 6h du mat, première chose à voir, est-ce que le bateau est toujours là, on est jamais à l’abris d’une surprise! oui, ils chargent même les bagages, c’est plutôt bon! Deuxième chose, est-ce que ma moto aussi est toujours là ? .. oui ! la journée sera bonne ! Mon acolyte italien se réveille avec nos voisins le couple de zanatany. Le temps d’entamer le petit déjeuner composé d’un café et d’un moufgasy lorsque l’on nous appelle déjà pour embarquer. Hop, le café cul sec, le moufgasy dans la poche et c’est parti !

Boat-people

La quarantaine de personne est sur le ponton devant un homme debout sur une caisse retournée qui appelle les gens un par un. Après quelques dizaines de personne c’est à mon tour, j’embarque vers l’avant… pas forcement le meilleur endroit pour ceux qui sont sujet au mal de mer. Mais il y a bien pire, ceux qui embarquent dans les premiers se retrouvent à l’avant du bateau, comme coincé au fond d’une cale puisqu’il n’y a ni fenêtre, ni ouverture à proximité. Et pour qu’ils passent un bon voyage, ils sont dans le sens contraire de la marche. Je suis à la limite de cette zone et sur le coté, j’ai pu prendre une fenêtre, plutôt chanceux. Le couple de zanatany est sur la même rangée que moi, l’italien derrière. Tout le monde a pris sa place, je compte rapidement, nous sommes 50 dont une bonne dizaine d’enfant, pour la plupart assis à l’avant d’ailleurs, comme si les parents leur disaient « habitue toi jeune, ça sera plus facile par la suite.».

Les moteurs démarrent, on a presque tous enfilés nos gilets rouges, certains n’auront pas la chance d’en porter. Le bateau quitte le quai, aucun remous, le bateau file sur l’eau tranquillement. Une bâche couvrant les fenêtres du coté droit est rabaissée. Tout le coté droit est maintenant condamné, je comprend mieux l’utilité de la bâche quand nous passons la première vague à l’embouchure du fleuve, on vient de se prendre une claque d’eau salé que la bâche a plus ou moins arrêté. Le bateau commence maintenant à tanguer, la mer n’est pas vraiment calme et de grosses vagues font osciller le bateau. Voila que les premiers seaux se remplissent… ce sont les enfants à l’avant du bateau qui sont malades en premier. Les pauvres, ils ne voient rien de ce qu’il se passe à l’extérieur, pas d’air frais pour calmer la nausée. Cela dit aucun ne se plaint, aucun ne pleure, je les vois fataliste à vomir dans ce seau qu’ils se passent à tour de rôle…

Le couple et l’italien ont l’air d’aller plutôt bien, moi j’essaye de me concentrer sur l’horizon. Les heures passent lentement, la côte s’éloigne peu à peu. On distingue à peine Sainte Marie. Plus le temps passe et plus le couple devient blanchâtre, pour finir verdâtre. L’homme tiens encore le coup mais, ce ne sera pas le cas de la dame qui aura juste le temps d’attraper le seau pour y mettre sa contribution. Cela fait plus d’une heure que le bateau pétarade et j’ai l’impression que l’on avance pas, je ne vois pas se rapprocher l’île. Quelques haut-le-cœur me surprennent mais je reste concentré, et surtout accroché à ma fenêtre qui devient un endroit très prisé maintenant !

D’autres personnes se sont collées à moi pour respirer l’air frais. Il faut dire que les effluves d’essence n’aide personne à se sentir mieux. Une idée plutôt désagréable me traverse la tête. Il est déjà arrivé durant certaines traversées que le bateau tombe en panne et dérive ainsi pendant plusieurs heures avant d’être récupéré… qui a-t-il de pire qu’un bateau à l’arrêt sur une mer houleuse ?? Ajoutez à ça la moitié des passagers malades et le tout baignant dans une bonne odeur d’essence… jackpot !J’essaye de m’enlever cette idée de la tête. Je jette un coup d’œil rapide à l’arrière, l’italien est concentré et ça marche, il tient le coup.

Voila maintenant 2h que l’on navigue, j’aperçois enfin les détails de la côte de Sainte marie, il était temps. En tout il nous faudra 2h30 de bourlingage avant d’arriver au port de destination. le bateau accoste, je pose un pied fébrile sur la terre ferme, un soulagement général se fait ressentir, tout le monde retrouve peu à peu le sourire, tout en essuyant quelques grimaces de nausée rebelles.